J'arpentais la ville d'Amyrabad sans tant d'espérances. Le monde s'était changé, ça devait arriver. J'arborais une apparence nouvelle, on pouvait appeler ça "grandir" d'une façon. Même si je ne coïncidais pas tant avec l'aspect des png du coin, j'avouais me sentir à l'aise au milieu des tentures, des marchands et des maisons en pierre de chaux blanches. Pour beaucoup, le sable s'affalait à leur flanc, comme si leur ancre au sol était infinie. Infini, oui, tout autant que l'était le sable. Tout ça, c'était de la même étoffe. Interrogeant les gardes, je fus mis au courant des monstres qui erraient dans les champs d'opium. Je n'avais alors rien de mieux à faire que de m'y rendre. Arrivé là bas, je dénombrais quelques autres joueurs qui guettaient aussi leur part d'expérience.  Je m'éloignais un peu, me mettant à longer les plantations d'opium, avec calme mais non sans une certaine impatience. Des bruissements parvinrent jusque mes oreilles. Pas le genre d'un humain. Je retirais mon épée de son fourreau, par précaution et mesurais mes pas jusqu'à atteindre l'extrémité de la lignée de culture. J'entendais mon coeur battre à l'approche de la source. Le souvenir de ma dernière partie ne remontait pas à plus tard qu'hier, dans un autre monde. Mais parce que la distance, parce que ce nouvel avatar, ce niveau, c'était comme une éternité qui le séparait de mes souvenirs. Les plants s'arrêtaient devant mon nez. Je raffermis ma prise sur mon épée, concentrais mon énergie et pris une impulsion sur mes pieds, me projeter de l'autre côté de la barrière végétale et fondre sur l'ennemi, sans savoir ce qui m'attendait.

M'apercevant qu'il n'y en avait pas qu'un mais deux mobs à faire du grabuge dans la brousse. Deux épais hamster aux joues joviales qui flânaient là dans les feuillages, grignotant lascivement quelques pousses opiacées. Quelle ne fut pas leur stupeur quand je vins fondre sur le premier, qui, encore la bouche pleine, reçut un premier coup de lame en plein flanc. La créature éructa un terrible couinement avant que ses yeux ne virent au rouge. Bientôt suivit de son comparse, ils me firent face et cherchèrent à m'atteindre.

De relever le défi de battre deux monstres sans aucune expérience préalable ne m'inquiétait pas outre mesure. Je me sentais déjà chez moi. Bien que rien dans ces bêtes ou dans ces paysages ne me soit familier. J'estimais avoir suffisamment de rallonge avec mon arme pour repousser leur assaut simultané. Mais au moment d'encaisser leur charge, je ne m'étais pas préparé à ce que la combinaison de leur poids puisse me faire fléchir et je reçu le contre coup de ma propre épée en plein visage. Un grondement m'échappa. Et je tentais de repousser les deux bestiaux d'une impulsion, ainsi, mettre un peu de distance. Je ne préférais  pas regarder ma barre de vie. Rester dans l'urgence soutenait l'adrénaline. Je m'ébrouais pour essayer de dégager le sang de mon visage et reprenais l'assaut. La lame fermement rivée dans mes mains, je fonçais sur le premier rongeur à qui j'avais asséné un premier coup. Il n'eut pas de temps pour lui de retrouver son équilibre. Dans la précipitation, je finissais de le pulvériser dans une purée de glitchs rouges.

Il n'existait pas de sentiments particuliers au gain d'xp. Mais de savoir suffit à me sentir gonflé d'un souffle nouveau. Je réalise seulement que mon tour a touché à sa fin. Alors un violent coup me prend sur le côté. Je me vois propulsé de quelques mètres. Mon dos mordais la terre alors que le dernier hamster se ruait sur moi. Je tâchais tant bien que mal d'interposer le plat de mon épée entre ses crocs et mon visage. La bête était maintenant sur moi. J'avais beau gesticuler, il était lourd et mes épaules étaient bien enfoncées dans le sol. La hargne finissait de nous échauffer tous les deux dans une lutte qui n'avait l'air de jamais pouvoir passer. Je me focalisais sur la prise que j'avais sur mon arme - mon dernier recours - et me crispais autant que possible sur celle ci. Ma fureur serait plus forte que la sienne. J'en tirais autant d'énergie que possible et parvins à faire pivoter mon arme, sur laquelle était avachi mon adversaire. Je lui offrais le tranchant de ma lame et, accompagnant mon geste d'une poussée, je parvins à lui asséner un premier coup, décrivant un cercle vers le ciel, je l'expulsais sur le côté. Je me relevant  dans la même impulsion et, dans la continuité de ma première attaque, revenait lui asséner un coup dans le sens inverse. La même explosion de pixels surgit. J'expirais un soupir, et soufflais le temps que l'énergie me revienne.

recap:

A l'ombre des bosquets d'opiums, je finissais de reprendre mon souffle. Comme un gout de trop peu dans la bouche. D'avoir entamé mon ascension avec deux monstres d'office m'avait comme galvanisé. Sans ranger mon arme, je jetais un coup d'oeil par dessus les plantations et balayait la zone d'un regard rapace. Mais la plupart des mobs étaient déjà occupés à être dératiser. Toutefois, je n'eus pas de quoi bouder mon plaisir trop longtemps que je percevais une vibration non loin. Un détour et je remarquais qu'un hamster venait de poper à quelques mètres de là.

Je braquais mon arme vers le sol et, sans plus de cérémonie, courais à sa rencontre. Dès que la distance entre nous deux se soient fortement raccourcie, je gagnais son attention. Il esquiva mon premier assaut. Ce qui eut pour effet de piquer mes nerfs. Fléchis sur mes jambes, je ramenais le pommeau de mon arme contre mon torse et me ruais encore sur lui comme l'aurai fais une bête à corne. Le rongeur ne réagit pas assez vite et reçu l'attaque de plein fouet.

Cela ne suffit pas à le tuer cependant. Et profitant de notre proximité, il parvint à me mordre à l'épaule. Et il s'y tint. Je tentais de le dégager au mieux mais rien n'y faisait. J'essayais à mon tour de le mordre. Le mieux que je parvins à accomplir fut de me retrouver avec une touffe de poils fauves entre les mâchoires. De là je recourrais à mon épée. D'un geste latéral, je parvins à la ficher dans le dos de la bestiole qui disparut dans les nuées. Savourer ma victoire fut de courte durée. Dépouillée de tout obstacle, mon arme vint s'enfoncer dans mon épaule. Juste à côté de la morsure.

Cette fois ci je pris le temps de la ranger dans mon dos. Et avant que mes pas me ramenèrent en ville, récupérais mon butin.

Recap: