Le ventre creux d'une journée de marche à zigzaguer dans les rues d'Amyrabad. Sans un seul sou pour aller prendre quoi que ce soit pour calmer la faim au coeur de la ville même. J'opte pour aller tenter ma chance au milieu des cultures de l'oasis. Au fil du temps qui défile et de mes entrailles qui grondent, rien ne vient s'offrir à moi de comestible. Je n'ai en vue que ces arbustes d'opiacé dont les petites baies sombres ne me font pas grande envie. Et d'avoir vu l'état dans lequel cela pouvait mettre les rongeurs du coin, j'aurais mieux préféré m'en passer. Mais voilà, ça gronde et ça creuse là au dedans. Je me tiens vouté, le visage blafard et l'air somnolent. C'est que ce doit être un peu sucré au moins. J'éprouve de plus en plus de difficulté à détacher mes yeux de ces cultures.

Je n'attends plus. Tant pis pour les témoins, joueurs ou hamsters, je plonge ma main parmi les feuilles et récupère deux poignées de ces boulettes. Un petit message d'alerte sur le côté m'informe que j'ai commis un crime en volant ces baies. Par réflexe, je dissimule les preuves de mes exactions en les fourrant tout droit dans ma bouche et tâchant de m'éloigner aussi vite. Autant dire, le goût n'est pas ce qui se fait de mieux. Mais je me sens déjà ôté d'un poids pour un moment, le temps de réunir un petit pécule en allant vaincre quelques uns de ces hamsters en colère. A entendre l'herbe vive qui bruisse dans mon dos, il me suffit d'un coup d'oeil pour apercevoir quelques unes de ces créatures à mes trousses, non contentes de s'être fait ôté le pain de la bouche.

Je décide de faire volte face. Par la même, de dégainer mon épée. Mais déjà, en voulant m'emparer l'arme, ma main vacille et tâtonne. Je sens un vertige remuer au dedans, non pas le genre de la fatigue, mais quelque chose d'encore jamais éprouvé.

Touchée par la chaleur du soleil, ma peau frémissait, comme une eau sur le feu. Je suffoquais dans ma propre enveloppe. Ma respiration n'est plus qu'une turbine lancée à plein gaz. Et au moment de tout rompre, je m'élançais sur mes deux jambes, droit vers le nuage que formaient mes ennemis. Leurs silhouettes qui vacillent, à la manière de petites flammes. Ça semblait si facile, tout insaisissables qu'ils étaient. Je n'éprouvais pas de peine à faire mordre mon épée dans leur chair. Et je tournais ma lame au dedans, un sourire extasié crispait mes lèvres. J'avais la mâchoire qui choque au point d'en faire crisser mes dents. Un retour de flamme stimula mon éveil. Le second hamster s'était jeté contre mon flanc. Je restais impassible, prisonnier de l'euphorie et fis voler mon épée dans mes mains pour lui faire gouter son tranchant. Je la fis rebondir pour revenir au premier  qui s'était mit à riposter à son tour. Je tachais de l'achever, ignorant des blessures qu'il me causait.

Son compère n'attendit pas pour venger le premier et vint planter ses dents dans ma jambe, s'acharnait sur celle-ci. Je me mis à agiter celle-ci et la douleur n'en fut que plus vive. Il feulait comme un putois et je lui répondais par des grondements tout aussi bestiaux. Je finis par rassembler mes forces et lever mon épée au dessus de ma jambe. Tous les muscles de mes bras se raidirent et j'accompagnais la chute de l'arme avec autant d'énergie que la machine que j'étais devenu puisse fournir. Sans réfléchir. Je m'arrêtais à un poil de l'amputation une fois que la créature se soit évanouie dans le néant. De là, je ramassais mon butin. J'en avais oublié ce pourquoi j'étais venu... Et lorsque la mémoire me revint, je réalisais que la faim n'avait plus son emprise sur moi. Déconfit, je reprenais mon errance dans les rues où chaque odeur, chaque toucher, chaque caresse du vent, tout ça prenait des proportions si grandes que je me laissais faire avaler, comblé.

Recap: