Un bien étrange univers que celui de SAO. Il était à la fois si proche et si différent de la réalité, abritant monts et merveilles tout en restant d'une vraisemblabilité crue vis à vis des aventuriers censés le parcourir. Adrix avait épluché bien des livres de fantaisie pour tuer le temps depuis sa retraite, mais cet endroit était intimement différent d'une Terre des Milieu ou un quelconque domaine du genre. Ici, nulle magie ne venait épauler les braves dans leur quête pour pourfendre dragons et goules. Par certains côtés, l'Aincrad se rapprochait davantage des récits mythologiques de son pays, où l'être humain fragile doit se surpasser pour confronter des abominations quasi divines. Voilà un loisir plus romantique dans sa contextualisation qu'Adrix ne l'avait imaginé en achetant cette console de jeu pour son petit fils. C'était plus qu'un vulgaire étalage de violence cherchant à se repaître des pulsions inassouvies des jeunes. C'était l'occasion de vivre une véritable aventure comme le monde moderne ne pouvait plus en offrir. Si cette épreuve n'était pas devenue synonyme de captivité doublée de dangers mortels, le vieil homme aurait sans doute pu en apprécier l'expérience.
Mais le plus fascinant pour lui, c’était bien ce nouveau corps qui était le sien. Au travers de cet avatar, de cet amalgame de données, il avait l’impression d’avoir trempé les lèvres dans la légendaire fontaine de jouvence ! Disparues les douleurs respiratoires, au diable le mal de dos chronique, fi des courbatures au moindre effort, il avait retrouvé sa fougue d’il y a 30 ans ! Les marques que le cruel passage du temps avait laissées sur lui s’étaient comme envolées, il se sentait frais, revitalisé comme jamais il ne l’aurait rêvé. Ses muscles et sa force, qui jadis faisaient sa fierté, étaient de retour, aussi explosifs qu’au pic de sa jeunesse.

Mais il était une vérité que le vétéran de guerre ne pouvait éviter : Il se trouvait toujours dans un jeu. Cette réalité ne pouvait être conquise grâce à la puissance de ses bras et à son expérience du terrain. Adrix était un néophyte en la matière, mais il avait au moins compris les bases. Cet univers fonctionnait à l’aide de mathématiques, de statistiques qui avaient besoin d’être augmentées afin d’accroître les performances du personnage. Sa force ne signifiait rien ici, un enfant pouvait le surpasser pour peu qu’il ait optimisé son héros.
Adrix voulait combattre. Il était de son devoir d’adulte d’aider tous ces jeunes gens à arracher la liberté que les caprices d’un malade leur avaient arrachée. Il était vieux, sa vie était depuis longtemps consumée. Si en sacrifiant les quelques années qui lui restaient encore sur cette terre il pouvait sauver ne serait-ce qu’un seul de ces joueurs, alors il s’estimerait heureux. Car si le poids des années avait affaiblies son être, la flamme du soldat qui brûlait dans son âme n’avait jamais décliné. Peu lui importait sa survie, il deviendrait leur bouclier à tous.

Et pour cela, dans un premier temps, il lui fallait se rendre dans un endroit que même la mort semblait avoir abandonné à son triste sort.