Pour ne pas changer, Ragnar s'était égaré - encore que si loin de Javikhölm, cela demeure chose rare, et encore heureux. Se perdre était aisé ; retrouver sa route beaucoup moins. Les frontières qui séparaient les différentes nations (il supposait qu'on pouvait appeler ça comme ça) étaient indistinctes, aussi lui était-il plusieurs fois arrivé d'y mettre un pied par accident... Voire de s'y enfoncer franchement avant d'avoir pu le réaliser. Mais il le vivait bien : non seulement cela lui faisait voir du pays, mais c'était en plus la porte ouverte à tout un tas de découverte. Quand cela lui arrivait, le nordique prenait donc le parti de visiter un peu les environs. Ayant compris qu'il le ferait de toute façon en essayant de revenir sur ses pas, autant profiter de la balade.

Quelque chose le dérangeait depuis son arrivée dans cette contrée. Certains objets semblaient... Intouchables, comme protégés par un charme. Sceptique vis-à-vis de la magie et de ce genre de chose, Ragnar s'était mis en but d'investiguer le phénomène. Or, quel meilleur endroit pour ce faire que le palais local ? S'il y avait bien un endroit à placer sous protection, ce devait être le centre névralgique de la ville - quand bien même il ignorait encore où il avait atterri. Aussi avait-il pénétré les lieux avec opiniâtreté, agitant ça et là la main devant le visage d'un garde pour voir s'il daignerait réagir. La plupart y restaient de marbre ; d'autres ne faisaient que répéter la même chose en boucle, si bien qu'il s'était vite lassé de ce passe-temps.

Aussi s'en était-il promptement etourné à son occupation première, tirant sur une tapisserie à un moment, tentant d'érafler un mur à la pointe de l'épée le suivant. Rien de bien méchant. On ne pouvait pas vraiment parler de vandalisme ; juste d'une extension de sa curiosité hors-normes. Mais ne dit-on pas que cette dernière est un vilain défaut ? Pour autant, il devait dire que les tests n'étaient que peu concluants. Aucune trace, aucune séquelle de son passage, où qu'il frappe et quoi qu'il fasse. Néanmoins, outre l'importance symbolique du bâtiment, ce qui l'y intéressait était aussi les trésors qu'il recelait potentiellement.

On ne pousse pas si loin la sécurité d'un lieu si celui-ci ne comporte aucun objet de valeur - rien qui puisse être volé. Ainsi espérait-il, ce faisant, découvrir une éventuelle cache secrète ou autre levier menant à une pièce cachée. Si joli soit l'ameublement, il ne jurait que par l'or et l'argent. Et à force de toucher à tout ce qu'il trouvait - dans le dos des gardes, évidemment -, il finit par trouver la faille. Et le vase pseudo-antique qu'il venait de pousser de son socle d'aller se fracasser au sol en un million d'éclats. Les regards oscillèrent dans sa direction, se détournant d'un autre individu - aussi massif que lui, une fois n'est pas coutume - qui, semble-t-il, cristallisait l'attention.

Je suppose que vous ne me croirez pas si je dis que je ne l'ai pas fait exprès ? Ce serait un mensonge, oui, mais là n'était pas la question. Il haussa les épaules, puis reprit, toujours avec son fort accent du nord : Qu'est-ce que j'y peux si vous aimez mettre vos bibelots fragiles en évidence, hein ? On ne vous a jamais appris à ranger votre butin à l'abri dans votre pays ?

Tout à ses arguments, il entreprit de glisser lentement vers la sortie...