Amsel sillonnait avec plus de confiance désormais les rues pavées du port d’Amyrabad, qu’elle n’avait que peu quitté jusqu’alors. Après avoir découvert la triste horreur des auberges destinées aux nouveaux joueurs (tout le monde était plus que déprimé, et pour cause…) , elle avait eu la chance de trouver un gîte auprès de quelques pnjs généreux, qui lui avaient offert une chambre en échange de quelques tâches sommaires. Du style tirer des flèches pour faire peur aux chapardeurs mineurs qui pouvaient s’en prendre à leurs gardes manger. Ou un peu d’aide domestique – ce genre de trucs.
Cette relative quiétude lui avait laissé le temps de s’entrainer un peu sans trop se prendre la tête, ou presque. Et c’était alors qu’elle marchait en regardant un peu trop le sol que retentit une complainte qui lui fit sortir de ses cogitations.

La source en était, un autre PNJs, en habit de la région semblable à ceux de nombre des habitants du port, le rendant très vite identifiable en tant qu’artisan fortuné propriétaire d’un de ces grands entrepôts de céramique. S’agitant furieusement, il indiquait avec de grands gestes des bras c qui semblait être « son » entrepôt, avant de tournoyer sur lui-même en s’adressant à forte voix à quiconque passant dans la rue. Calmement, Amsel s’arrêtât, levant un sourcil puis ouvrant l’interface de son menu. Un pop up d’événement s’ouvrit aussitôt. « Hm… »
Y’avait écris facile. Pas trop dangereux, sans doute, du coup – d’autant qu’ils étaient en pleine ville. Et pourtant, les gens semblaient s’abstenir. Bien décidée à rétablir son honneur et sa confiance en elle à coup de nouvelles sources de progression, la joueuse s’avança vers le marchand. « Je suis disposée à vous aider. »

Le reste fut très rapide, et en moins de temps qu’il n’en faut à une icône pour devenir verte, elle se retrouvait propulsée dans le hangar. Non sans avoir apprit qu’une bête aux déplacements fulgurants rodait, et qu’elle devait sauver, protéger, ET préserver la marchandise entreposé dans ces lieux.

La pièce était immense et striée de hautes étagères emplies –ce presque jusqu’au plafond- de vieilleries, de céramiques, d’étoffe et de vaisselle. Des carreaux de verre polis imbriqué entre les briques pourpres laissaient filtrer une lumière diffuse, qui s’effaçait entre les allées, ne les laissant que faiblement éclairées et protégées du soleil lancinant. Amsel s’avançât prudemment… Avait elle bien fait d’accepter ? Elle n’était plus sure de mesure le sens exact du mot « facile » dans ce jeu mortel, et n’avait aucune idée de ce qui l’attendait dans cet endroit.

Mais très vite, elle put percevoir un bruissement.

Affolé et frénétique, qui lui rappelait le vol douloureux d’une chauve souris perdue en plein jour, ou d’un moineau entre quatre vitres. Pas quelque chose de trop gros, à priori. Ca ne s’annonçait pas si dur, finalement ! Du moins était ce qu’elle s’était dit, au début. Le rythme cardiaque un peu plus vif, elle s’avançait, aux aguets. Pressentant qu’il s’agissait selon toute vraisemblance d’une bête apeurée, elle avait rangé son arc – pour l’instant. Plus d’une fois, elle crut percevoir une ombre, imposante, fuser entre les étagères. Prudente d’abord, avançant à pas de loup, elle s’éternisa. Sans succès, et ce fut le son caractéristique d’un objet fragile qui chavire qui lui donna le coup de fouet qui s’était fait attendre. Ni une ni deux, voyant le vase à plusieurs mètres d’elle chanceler dangereusement alors qu’une flopée de plume disparaissait au coin d’une étagère, elle se précipita.

Amsel repose l’objet a sa place le souffle court, le sang lui montant à la tête. Ha ouais ? Il allait certainement pas lui faire rater sa mission, le papillon de nuit ! Elle allait se jeter à corps perdu dans les longs couloirs à la poursuite de l’intrus lorsqu’un nouveau protagoniste entra en scène.

Le visage de la jeune femme s’étira d’un sourire, à peine biaisé par ta drôle de gueule et ton introduction hasardeuse et brouillon. « Si tu parles de la mission, oui. Même si tu as de drôles de façon d’entrer en scène. » Mais pas le temps de s’attarder la dessus, y’avais d’autres chats à fouetter. Et même si elle aurait bien évité de partager le butin, t’étais le bienvenu – et ca se lisait dans ses prunelles.

 « C’est un animal apeuré, volant et visiblement très dudeveteux -il laissait des plumes un peu partout-. Tout a l'air intact pour l'instant, mais c’est un miracle. Faut éviter de lui faire peur et le coincer, traine pas. » On pouvait faire plus poli. Mais déjà, le froissement d’aile s’éloignait, et Amsel reprit sa chasse. Et ouvre l’œil.

En acceptant la coo’p pour la quête, Âme sel vit pour la première fois sa barre de vie s’aligner avec celle d’un autre joueur. Un bref coup d’œil lui en indiqua le pseudo – étrange. Mais pas moins que ce qu’évoquait le reste de ta personne, sans doute. En tout cas, ca ne disait pas vraiment comment te nommer.

Son sang ne fit qu’un tour lorsqu’elle te vit t’emparer de l’un des précieux biens du hangar – plus brut et moins précieux, certes, que les autres c’est vrai. Mais les consignes avaient été claires, et le bris effrayait d’avantage la demoiselle que la bête qu’ils traquaient. Celle-ci fatiguait. (Au moins, ses efforts, en apparence vains jusqu’ici révélaient leurs fruits.) Et alors que tu mettais en place ta nouvelle stratégie, Âme sel put la discerner distinctement.

C’était… un espèce de piaf. Avec une touuuuute petite tête. Effectivement extrêmement fournie et duveteuse, et flanquée de grands yeux sombres dans lesquelles se lisait sa parfaite confusion. Ses ailes, visiblement trop grande pour son corps, semblaient l’embarrasser plus qu’elles ne lui servaient dès qu’il se posait, et ses pattes, un peu trop longue, ajoutaient au grotesque de son apparence. Il n’en était pas moins – fondamentalement mignon.
Bien qu’énervée par cette désormais longue (et toujours aussi miraculeuse !) course poursuite, elle ne put réprimer un vague sourire. Tu vas voir, on va t’avoir. Sa fatigue s’envolait. L’avantage, c’était que le petit être, bien que toujours confus, ne s’agitait pas trop – et à chaque fois qu’il atteignait les étagères, c’était dans l’optique de se dissimuler aux regards. Sa discrétion (souhaitée et toute relative) était finalement la meilleure des protections contre la casse. Mais maintenant, il n’aurait plus l’occasion de s’y réfugier.


« Ouais. » Âme sel fit apparaitre son arc, qui se matérialisât entre ses doigts fins. Gonflée à bloc et prête à en découdre, elle balayait du regard le plafond de la pièce pour en examiner les différentes tentures. Vu la superficie des lieux, elles étaient nombreuses ; et formaient un grand patchwork d’ocres au dessus de leurs têtes. Un bref regard vers toi, le sourire aux lèvres. Une oreille tendue vers la position de l’oiseau au sommet d’une étagère, non loin. Va savoir si on avait la même idée mais – merci. Ne refermant pas son menu tout de suite, elle apposa son doigt sur un deuxième item, qui se matérialisa dans sa main pour disparaitre au fond de sa poche en une fraction de secondes. Pas sure que ca marche, mais on pouvait toujours essayer.
Prête.

La joueuse décocha une flèche, puis deux. Les liens qui retenaient les étoffes étaient nettement visibles, et l’un de celle-ci semblait déjà un peu défait. Un pan de tenture dominant un espace vide de trésors céda, quoi que percé par un second tir raté. Un troisième vint rectifier le tir (haha), permettant à deux des angles du tissus de s’affaler mollement, et quittant le plafond, tendre leurs voiles vers le sol. Presque à portée de main. « Je compte sur toi, on va le coincer. »
T’accordait-elle une confiance trop aveugle ? Va savoir. Mais en tout cas elle disparaissait déjà entre les rayons, à la poursuite du volatile qui, effrayé par le bruissement de la chute du tissus avait repris son envol. Son dernier envol, se promit elle.


« Ha ! » Pensât elle très fort, alors qu’elle s’immobilisait face à l’animal. Elle avait déjà repéré au par avant, cet angle de la pièce qui ne laissait qu’un seule possible retraite – celle d’où viendrait « Facteur cheval ».
(Ralentissant, l’arc rangé et l’air ange, elle s’avançait à pas doux vers la créature, qui complètement essoufflée, avait cessé de fuir pour la regarder toute plumes tremblantes, serrée contre le mur. Elle pensait s’en sortir ! Parce qu’elle avait des ailes. Mais Âme sel, elle avait CA – un petit item de poisson séché qu’elle avait récupéré par chance au port et qu’elle brandissait désormais à bout de bras. Le dernier atout de sa manche. En faisant des petits gestes faisant frétiller le skin rappelant une sardine, et en entonnant de doux  «  Petit petit ~ N’ai pas peur… »

La petite chose la regardait avec des yeux grands, visiblement séduite, ou, au moins, intriguée par cet item qui avait l’aspect et l’odeur d’un petit poisson. Comme quoi, ce genre de choses marchaient réellement, dans ce monde ci aussi ; ils n’avaient rien laissé au hasard. D’ailleurs, l’oiseau était il une création exclusive à cette mini quête ? Ou ce monde était il également parcouru, les monstres mis à part, de tout un tas d’autres créatures aptes à agrémenter le jeu ? La question l’intéressait.

Tout était parfait. Amsel ne regardait pas directement Facteur Cheval, mais elle pouvait le sentir. Sentir ta silhouette efflanquée se muer lentement dans son champ de vision, en direction de l’oiseau. On allait y arriver. Plus douce encore qu’un instant au par avant, elle laissât son sourire s’élargir. Elle posait délicatement au sol, regardait la petite bête avec un air tendre, la main toujours tendue, les lèvres toujours parsemée de petits « viens ».  Plus elle la regardait, plus elle lui devenait mignonne et sympathique, et lui faisait oublier, approchant du but, la fatigue et l’aigreur. Il fallait dire que désormais calme, l’oiseau était particulièrement adorable. Les ailes trainant, les yeux grands et le bec tendu en avant, sautillant timidement vers elle. Il ‘était plus qu’à quelques centimètres, désormais.  

Amsel crût qu’elle allait faire une crise cardiaque quand elle vit la céramique chavirer. Pour de vrai. En temps normal, franchement, elle n’en se serait pas affolée autant : cet endroit était immense, leur employeur n’allait pas sérieusement le connaitre par cœur, pièce par pièce, et remarquer qu’il manquait UN Truc. Ils l’auraient dissimulé, nettoyé, annihilé ! Et personne ne s’en serait souvenu. Mais non, ils étaient dans un jeu. Elle était prête à parier que s’il survenait la moindre bavure, une grosse fenêtre rouge s’ouvrirait devant leur nez avec pour intitulé ECHEC. Et franchement, elle s’était donné suffisamment de mal pour ne pas le tolérer.

Bondissant en avant, la demoiselle lâchait son happât dont l’ailé se saisit avec délectation. Interversion ! Les mains tendues en avant, blême, elle frôla le précieux objet… remonta un peu la main… Et parvint à le faire glisser sur la courbe de son bras pour se le prendre en pleine figure plutôt que le voir se briser par terre. Il y eu un craquement. Amsel s’écrasa piteusement au sol en un plat magistral. Elle grimaça, les yeux plissés, mais ne ressentit aucune douleur. Et autour d’elle, les étagères tremblèrent dangereusement du fait de ta confrontation avec la petite proie.

Mais la mission fut couronnée de succès.

Heureusement qu’il n’y eu plus d’autre accident, parce que la demoiselle n’aurait pas levé le petit doigt. Claquée (bien que ne ressentant aucune douleur), elle était restée étalée au sol un moment le pot contre sa poitrine avant de se relever lestement, les yeux rivés sur toi. De ton baluchon dépassait la petite tête duveteuse de Maurice, le fauteur de trouble. (Non, franchement, promis, on allait pas l’appeler comme ca.) Réussi ! Amsel bondit sur ses pattes pour filer vers toi, et accessoirement la sortie.


Elle t’honora d’un petit coup amical sur l’épaule. « Bon allez viens ! On va aller chercher notre récompense ~ »  Et d’un sourire radieux.

Ouais, ca avait été marrant, finalement. Et, elle ne s’en rendait pas encore tout à fait compte, mais elle se sentait changée – irl, aurait elle était aussi vive, aussi enjouée ? Être elle-même tout en endossant quelqu’un de nouveau, se lâcher dans un nouveau monde, où on est amené à faire des choses absurdes… C’était cool. Et après tout, mourir, elle avait toujours su qu’il lui faudrait le faire un jour ou l’autre, alors ici ou ailleurs … - !